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Anthropologie de l’adolescence Martine Stassart
Martine Stassart est née en mai 1965. Etudes de Psychologie de 1983 à 1988. Elle devient par hasard l’assistante de Jean Mélon en 1989. Elle le reste jusqu’en juillet 95 où elle est titularisée “première assistante” après avoir avoir défendu sa thèse doctorale sur “Le choix vocationnel chez l’adolescent”. Elle entame aussitôt une carrière universitaire classique . Elle est actuellement titulaire de la chaire de “Psychologie de l’adolescence” à la Faculté de Psychologie de l’Université de Liège. Elle combine cette activité avec celle de psychologue libérale , spécialisée dans les problèmes de l’adolescence. Sa collaboration active avec Jean Mélon rend compte de son intérêt porté au test de Szondi en ce qui concerne la paroxysmalité (et l’épilepsie) et les rites de passage, problèmes cruciaux de l’âge adolescentaire.
1. L’âge du siècle
Depuis que Philippe ARIES a écrit que si la jeunesse avait été l’âge de prédilection du 18e siècle et l’enfance celui du 19e, l’adolescence est l’âge du vingtième siècle, personne ne doute plus que l’adolescence soit un phénomène socialement et culturellement déterminé. Chaque époque, chaque société, chaque classe la conçoit différemment, ce qui a pour effet d’en infléchir le cours d’une manière beaucoup plus conséquente qu’on n’avait cru jusqu’il y a peu de temps.
Si les exigences de travail psychique de transformation apparaissent inhérentes au processus même de l’adolescence, les formes prises par ces changements, comme leurs échecs, sont particulièrement tributaires des modalités de fonctionnementde la société. L’adolescence comme moment de transformations psychiques souvent radicales ou spectaculaires ne se confond que très approximativement avec les modifications physiologiques de la puberté. Il n’est pas inutile de se demander dans quelles circonstances historico-sociales est apparu ce personnage aujourd’hui omniprésent dont la naissance est cependant récente: l’adolescent.
Le monde antique, à l’apogée de la civilisation gréco-romaine, a certes connu des figures de l’adolescence qui sont proches des nôtres. Ce n’est pas un hasard si le culte de l’éphèbe a coïncidé avec le siècle d’or de la Grèce. C’est qu’alors également une société en pleine mutation, en ce sens qu’elle inventait la démocratie et l’individualisme, fondait sur sa jeunesse les plus grands espoirs de progrès. L’ adolescens, celui qui grandit et croît, était alors, pourrait-on dire en paraphrasant FREUD, le père de l’adultus, celui qui a cessé de grandir. Mais cet adolescent a disparu de l’échelle des âges pendant des siècles.
Nous verrons plus loin que les cultures archaïques ou traditionnelles, comme d’ailleurs jadis les classes pauvres de notre société, ont toujours fait en sorte que cet âge soit réduit à sa plus simple expression. Plus une société évolue vers le modèle occidental, libéral-individualiste, fondé sur une division de plus en plus grande du travail d’une part , sur la disparition de la famille étendue et le libre-échangisme sexuel d’autre part, plus l’échelle des âges se diversifie, l’adolescence tendant à y occuper la plus grande place. Dans les civilisations traditionnelles, c’est le grand âge qui jouit des plus grands privilèges. Au XIXe siècle, l’enfant devient roi. Si ce privilège accordé à l’enfance n’avait pas existé, FREUD n’aurait peut-être jamais pu écrire que “l’enfant est le père de l’homme” et les problèmes que la psychanalyse étudie n’auraient peut-être jamais non plus vu le jour, en tout cas pas sous les formes que nous connaissons et que la doctrine désigne sous l’appellation de “complexe d’Oedipe”.
Quand Montaigne écrit, parlant de ses enfants morts, :”J’en ai perdu mais en nourrice, deux ou trois, sinon sans regret, au moins sans fascherie”, il n’y a pas lieu de s’offusquer. L’enfant n’était pas alors l’objet d’un investissement dont la perte pouvait entraîner deuil et douleur extrêmes comme c’est aujourd’hui le cas. Pascal écrivait de même:“Un enfant n’est pas un homme”. Le culte de l’enfant, produit de la culture bourgeoise, a trouvé son chantre dans l’Emile de Jean-Jacques Rousseau. Quant à l’adolescent moderne, Philippe ARIES le voit s’ébaucher dans le Chérubin des Noces de Figaro. Il a les traits d’un garçon pré-pubère, androgyne, plutôt féminin. L’éveil de l’amour et de la sensualité est ce qui émeut le public de l’époque, nonobstant le fait que Chérubin évolue sans gêne dans le monde des adultes. Le XVIIIe siècle ignorait encore la ségrégation des âges .
La ségrégation est le fait nouveau majeur, constitutif de clivages entre les classes d’âge, tels qu’il n’y en a jamais eu auparavant. “La ségrégation de fait à laquelle nous soumettons nos jeunes gens, nos vieillards, contribue à constituer la jeunesse, la vieillesse, en masses distinctes et en étapes originales de la vie, sans que ce phénomène s’accompagne de la reconnaissance sociale d’une fonction positive qui serait attribuée à ces collections d’individus, et leur donnerait comme classe unestructure, un statut, une identité. C’est bien pour la première fois que de manière aussi massive la jeunesse d’une part, la vieillesse de l’autre, tendent à se définir par un ensemble d’interdits sociaux et d’expériences de frustrations qui n’est ni assorti d’un système de compensations, ni intégré dans une échelle des âges propre à nourrir l’espoir et à procurer les moyens d’un épanouissement ultérieur. Ainsi du même coup se précise le caractère nocif de la ségrégation: elle est nocive parce que non signifiante, parce qu’elle est vécue par ceux qui la subissent comme rejet, déréliction, solitude spirituelle et non plus comme condition ou envers d’un processus d’agrégation comme ce fut toujours le cas dans les sociétés primitives ou traditionnelles. “(Michel Philibert.L’échelle des âges.Paris,Seuil,1968,p.172.)
Dès le début du XIXe siècle, très rapidement, la figure prototypique de l’adolescent se modifie. Avec le romantisme naissant, se produit un raz-de-marée narcissique. Conscient de sa valeur sinon de son identité, surgit l’égotiste, profondément insatisfait du monde qui l’environne – “Je suis né trop jeune dans un monde trop vieux”, se lamente Musset – , désireux ou de fuir le monde ou de le changer de fond en comble. Les totalitarismes sauront exploiter cette soif de changement , exaltant la jeunesse afin de l’embrigader. On sait ce que Hitler, Staline et quelques autres en ont fait. Ce qui a fait dire à Milan KUNDERA que la jeunesse n’avait jamais tant mérité son qualificatif d’ “âge bête”. Rousseau avait pressenti qu’un âge dangereux pour l’individu et la société se profilait à l’orée du XIXe siècle naissant. Aussi proposait-il d’étaler largement dans le temps cette période en prolongeant tous les apprentissages, par la scolarisation, la socialisation et l’amour de la nature, afin de domestiquer au mieux des turbulences qu’il prévoyait inéluctables. Pour ce qui est de la scolarisation, il n’y a nul doute que les recommandations de Rousseau ont reçu une application au-delà de toute espérance. Quant à l’étalement temporel de l’adolescence, c’est un phénomène tellement flagrant qu’il est à peine besoin de le mentionner. Sur les barricades de 1830, 1848, 1870 et jusqu’en 1968 et 1994, les “ados” constituent le gros des troupes. Beaucoup d’aînés approuvent tacitement, tandis que le pouvoir laisse s’installer une fronde qui pour être symptomatique d’un malaise certain, ne menace pas vraiment les bases d’un ordre social qui, glissant toujours davantage vers l’anomie (DURKHEIM) n’arrive plus à définir son identité, sauf à se qualifier de post-moderne, ce qui ne veut quasiment rien dire. “En tant que groupe social, les jeunes, comme on dit, pourraient-ils renouveler la vie sociale, c’est-à-dire prendre en charge la mission historique du prolétariat que celui-ci n’a pu jusqu’ici mener à bien dans les pays industrialisés? Il faut dire nettement et franchement : non. La jeunesse ne constitue pas une classe capable d’agir comme telle, quoique constituant aujourd’hui plus nettement encore qu’il y a un siècle un groupe social distinct, avec ses préoccupations et ses problèmes, c’est-à-dire qui pose des problèmes à la société” (Henri Lefebvre.Introduction à la modernité.Paris,Minuit,1962,p.331.) Un autre phénomène beaucoup plus récent encore mais tout à fait indubitable est l’égalisation destinale des garçons et des filles dans la mesure où celles-ci jouissent pratiquement d’une même liberté matérielle et sexuelle.
Que l’adolescent soit devenu pour l’adulte ou prétendu tel, un objet fascinant, voilà qui est difficilement contestable. “L’adolescence est tellement importante de nos jours qu’elle refoule en amont et en aval, les âges qui l’encadrent: les enfants tendent à vouloir y entrer de plus en plus tôt et les adultes tendent à vouloir en sortir de plus en plus tard. Le mariage ne représente plus une étape qui termine l’adolescence; si vous êtes amateur des films de Truffaut, vous pourrez voir que lepersonnage incarné par Jean-Pierre Léaud est bien la représentation de cet adulte marié encore adolescent“(Pierre Nouilhan.L’adolescent dans l’échelle des âges.In Adolescences,Toulouse,Privat,1987,p.18). La fascination qu’exerce l’adolescent n’est pas sans provoquer, non rarement, une pathologie nouvelle chez les parents dont beaucoup retombent en adolescence quand leurs enfants abordent cet âge, cédant alors au démon de midi, ce qui ne contribue pas peu à majorer les problèmes identificatoires de leurs enfants, tandis que d’autres tombent, selon l’expression de Philippe GUTTON, en “obsolescence”, renonçant définitivement à toute vie sexuelle, ce qui ne manque pas non plus d’avoir des effets perturbateurs. (Philippe Gutton.Adolescence:trois crises au lieu d’une.In Adolescences,Toulouse,Privat,1987,pp.39-56.)
Il ne fait pas de doute que le déclin de l’imago paternelle, avec l’éparpillement des points de repères identificatoires qu’il entraîne, est pour beaucoup dans la promotion et la survalorisation de l’adolescence. “Quel qu’en soit l’avenir, ce déclin constitue une crise psychologique. Peut-être est-ce à cette crise qu’il faut rapporter l’apparition de la psychanalyse elle-même. Le sublime hasard du génie n’explique peut-être pas seul que ce soit à Vienne, alors centre d’un État qui était le melting-pot des formes familiales les plus diverses, qu’un fils du patriarcat juif ait imaginé le complexe d’Oedipe. Quoi qu’il en soit, ce sont les formes dominantes à la fin du siècle dernier qui ont révélé qu’elles étaient intimement dépendantes des conditions de la famille. Notre expérience nous pousse à en désigner la détermination principale dans l’imago paternelle, toujours en carence en quelque façon, absente, humiliée, divisée ou postiche. C’est cette carence qui, conformément à notre conception de l’Oedipe, vient à tarir l’élan vital et à tarer la dialectique des sublimations “ (Jacques Lacan.La Famille.Encyclopédie Française,tome 8,40,3-16,1938,p.16.)
Quoi qu’il en soit de ces dérives et de ces faillites identificatoires qui tendent à devenir le mal du siècle, on peut quand même penser que: “…. chaque génération a imaginé que l’adolescent des générations précédentes était différent. Il l’est certainement de par la différence des ordres sociaux. On peut toutefois retrouver de grandes constantes d’une génération à l’autre. Très souvent, les adolescents d’aujourd’hui rejoignent l’un des groupes qui ont rallié les adolescents au temps du romantisme. D’un côté, ceux, comme Werther ou René, qui sont révoltés contre le réel, ne se résignent pas à la Loi, qu’elle soit privée ou publique,qui cherchent toujours vers l’inconnu, et solitaires et démunis, sont souvent attirés par le risque et même la mort. De l’autre côté ceux qui se soumettent aux règles du jeu social, dont l’idéologie est de gagner, comme Rastignac, Rubempré ou Julien Sorel. “(Pierre Nouilhan.Op.cit.,p.18.) Il n’existe évidemment pas d’opposition tranchée entre ces deux types d’adolescents, le romantique révolté, pensant comme Arthur Rimbaud que “nous ne sommes pas au monde, la vraie vie est ailleurs”, et le jeune loup dynamique qui s’écrie comme Lucien de Rubempré: “Paris, à nous deux!” Mais cette typologie, pour sommaire et caricaturale qu’elle soit, recouvre quand même une certaine réalité psychologique, celle des sujets qui privilégient la pensée et le rêve par contraste avec ceux qui sont davantage orientés vers l’action et la fuite en avant, couple binaire qu’on désigne commodément comme celui de l’introversion opposée à l’extraversion.
2. Passage et rites initiatiques.
Toutes les sociétés se sont préoccupées d’organiser le passage de l’enfance à l’âge adulte en proposant aux adolescents un modèle initiatique aussi apte que possible à réaliser de la façon la plus économique les transformations inhérentes à cet âge. Si on se réfère aux sociétés dites primitives, on est frappé, depuis que VAN GENNEP (Les rites de passage (1909).Paris,Picard,1981.) a attiré l’attention sur ce fait, de l’universalité de ce qu’il est convenu d’appeler les “rites de passage”. Comme le rappelle Claude LEVI-STRAUSS (La pensée sauvage.Paris,Plon,1962.): “Les sociétés archaïques les plus différentes à travers le monde conceptualisent de façon identique les rites d’initiation”. S’il y a un intérêt certain à se pencher attentivement sur cette question, c’est parce que, comme le soulignent de plus en plus un grand nombre de spécialistes de l’adolescence, une grande part des troubles psychopathologiques propres à cet âge peuvent s’interpréter comme autant de conduites visant à pallier la carence évidente, dans notre culture occidentale, de toute institution analogue à celles qui, dans les civilisations archaïques ou antiques, encadrent et organisent, de manière quasi immuable, le passage de l’enfance à l’âge adulte. Comme le note Philippe JEAMMET : “Que peut-il exister de commun entre les rites archaïques et l’adolescence d’aujourd’hui? Apparemment rien tant paraissent aux antipodes ces enfants qu’une cérémonie précipite brutalement dans le monde de la société adulte et ces adolescents qui n’en finissent pas d’accéder à un statut d’adulte dans une société où la durée de l’apprentissage ne cesse de s’allonger suivant en cela le temps de l’espérance de vie et celui de la cohabitation des générations On peut se demander si les troubles psychopathologiques des adolescents n’occupent pas une fonction de mythe personnel et n’acquièrent pas une dimension de rite? C’est tout particulièrement le cas dans notre culture où toute perturbation des conduites est devenue maladie. Le trouble devient une commémoration indéfinie de l’alliance ratée entre l’adulte et l’adolescent, au travers de la répétition monotone des mêmes troubles, des mêmes conduites pathologiques dans une sorte de ritualisation interminable qui caractérise la pathologie de l’adulte. Le trouble ne représente plus qu’un rite personnel qui n’est plus lié au consensus social, un acte “insensé” qui ne peut plus être reconnu que comme “maladie”, pure énigme biologique ayant même cessé de poser la question de son sens et de sa valeur de communication. La réponse pathologique est toujours un échec du processus développemental. Les troubles du comportement et tout ce qui se regroupe sous l’appellation de pathologie de l’agir en sont un bon exemple. L’évolution semble en favoriser l’éclosion en facilitant par l’affaiblissement des interdits contrebalancé par l’accroissement des exigences de performance, le passage d’une problématique des conflits, comme dans la névrose, à une problématique du lien, comme dans les états de dépendance”.
La psychopathologie de l’adolescence s’éclaire d’un jour nouveau quand on la met en rapport avec les grands axes qui traversent les rites initiatiques. Certains faits cliniques de plus en plus nombreux et inquiétants forcent l’attention (Tobie Nathan.Traumatisme, identification et mémoire. In Adolescences.Toulouse,Privat, 1987,pp.147-158.)
°le recours par une jeunesse plus ou moins marginale à des comportements qui rappellent vivement les rituels d’initiation des sociétés traditionnelles et qui visent tous confusément à provoquer une modification abrupte de l’identité; c’est le cas de nombre de toxicomanies, de l’adhésion à des sectes, de la fascination pour les mouvements extrémistes et les intégrismes, voire aussi de la prostitution juvénile, phénomène nouveau qui ne paraît pas seulement conditionné par la misère socio-économique mais qui semble également sous-tendu par un besoin d’initiation sexuelle sur un mode violent et traumatophilique;
°la prise en considération de patients contraints de modifier radicalement leur structure psychique pour s’adapter à un environnement qui leur est étranger ou hostile, ce qui est le cas des émigrés de première et seconde génération et surtout de leurs enfants;
°la similitude évidente de certains discours délirants et des thèmes organisateurs des rites de passage. Cette similitude s’explique aisément si on prend en compte le fait que ces thèmes sont tous en prise directe sur la question du changement d’identité, de l’assomption sexuelle et de la différence des sexes et des générations, et donc aussi sur les fantasmes originaires – séduction, scène primitive, castration, retour dans la matrice – dont FREUD disait qu’ils forment le “noyau de l’inconscient”, produit du refoulement originaire (L’Homme aux Loups,in Cinq Psychanalyses.Paris,PUF,1967). Si les effondrements psychotiques correspondent à l’échec du refoulement originaire et au retour du refoulé de même nom, il n’y a pas lieu de s’étonner de l’étroite correspondance entre les thèmes mis en forme par les rituels d’initiation et ceux que mettenteux-mêmes en forme ces “organisateurs” de la dynamique pulsionnelle fondamentale que sont précisément les fantasmes originaires.
Nous sommes ainsi mis sur la voie qui nous permet de comprendre en quoi consistent et à quoi servent les rites de passage. On a cherché à rapprocher des rituels archaïques un certain nombre d’épreuves qui, dans la culture occidentale contemporaine, pourraient revêtir une signification analogue. Toutefois, il n’est que trop évident qu’on ne peut y voir que de pâles copies des rites primitifs. “Dans notre société, certaines expériences ( rites religieux, service militaire, système des examens et des concours, consultation en vue de la contraception, interventions chirurgicales) peuvent prendre valeur de rituel initiatique par leur portée symbolique. Mais la diversité, l’hétérogénéité, le caractère individuel de ces expériences contraignent l’adolescent à forger son propre mythe personnel, ses propres croyances idéologiques ou religieuses et donnent d’autant plus d’importance à sa famille, aux attitudes de ses parents, aux interactions familiales conscientes et inconscientes” (B.Brusset.Psychopathologie de l’adolescence.In Lebovici,Traité de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.Paris,PUF) Si les rites ont, entre autres, comme finalité d’arracher l’enfant à sa famille biologique pour l’introduire au monde des adultes qui est celui du groupe, du clan ou de la tribu, en participant des croyances mythologiques communes, il est par contre évident, comme l’enseigne l’expérience psychanalytique, que le sujet occidental a les plus grandes peines à émerger du cocon familial, réduit qu’il en est, pour en sortir tant bien que mal, à se forger un mythe personnel dont le caractère aléatoire et précaire ne souffre pas la comparaison avec la force cohésive et la richesse polysémique des mythes collectifs, garants de l’identité groupale. Les mythologies primitives sont d’une richesse extraordinaire mais , à de rares exceptions près16, nous n’en possédons que des versions de seconde main. Néanmoins on peut se faire aujourd’hui une idée assez exacte de ce que représentent les rites de passage. (Victor W.Turner (1969).Le phénomène rituel.Paris,PUF,1990.)
La finalité des rites est claire: il s’agit pour les adultes d’intégrer aussi efficacement que possible les adolescents au groupe social en leur imposant des épreuves violentes qui exigent une soumission totale, où le corps est directement concerné, recevant les marques tangibles qui doivent le situer dans la lignée des sexes et des générations, en même temps que le sujet reçoit un enseignement destiné à l’introduire aux secrets de la tradition. Le schéma initiatique comprend les trois phases que VAN GENNEP a rendu classiques: séparation, réclusion en marge ou limen, agrégation et retour. La séparation est toujours brutale. Vers la douzième année en moyenne, l’enfant est littéralement arraché à sa famille. Tout le monde feint de croire qu’il ne reviendra pas, qu’il est promis à une mort presque certaine. La phase de réclusion est assimilée sans équivoque au retour dans le ventre maternel. Les néophytes, le plus souvent complètement nus, sont enfermés dans un lieu clos où ils sont tenus de rester cois et immobiles. Ils sont convoqués à recevoir un enseignement polyvalent aussi bien social, moral, religieux que “technique”qui les introduit au monde des croyances, des pouvoirs occultes, de la magie et des mystères de la filiation, de la sexualité et de la génération. Ce qui est le plus impressionnant à nos yeux, c’est l’extrême violence des épreuves tant physiques que psychiques imposées au jeune adolescent. Le postulant est généralement menacé de mort et des pires sévices sur un mode qui n’a rien de ludique; on le roue de coups, on le mutile, on lui pose des devinettes impossibles, on se moque de son ignorance, on s’acharne à le mener aux abords de la folie en le soumettant à des injonctions plus paradoxales les unes que les autres. Ces épreuves, on s’en rend compte, s’encadrent dans un système de logique paradoxale qui veut, par exemple, qu’un jeune homme ne devient véritablement un homme que s’il a été sodomisé voire même que s’il a violé et tué les plus vieilles femmes de la tribu. Les marques corporelles ne manquent jamais. Circoncision, excision, infibulation et autres mutilations visent, selon l’opinion majoritaire des anthropologues, à conférer un statut d’adulte en supprimant les signes d’ambiguïté sexuelle propres à l’enfance, le prépuce et le clitoris étant considérés comme les vestiges ridicules et honteux du sexe opposé. La deuxième phase de l’initiation se termine par des rites qui miment l’accouchement et qui font par là clairement entendre à l’initié qu’il est définitivement mort à sa condition d’enfant, radicalement séparé du monde maternel et affranchi de la bisexualité. Le retour consacre la réinsertion sociale. Nonobstant le fait qu’ils sont désormais reconnus comme adultes à part entière, les initiés sont généralement accueillis comme des bébés qui doivent être portés et qui doivent tout réapprendre à partir de zéro, jusqu’au nom de leurs proches qu’ils sont censés avoir oubliés.
On se rend bien compte que toutes les épreuves qui sont administrées à travers les rituels de passage, sevrage brutal d’avec le monde de la mère, perte de l’enfance, rivalité dangereuse avec les aînés et les pairs, acquisition d’une identité sexuelle stable et différenciée, purgée de l’ambiguïté bisexuelle, confrontation avec l’autre sexe (souvent le mariage succède au passage) sont fondamentalement des opérations psychiques internes. Le rite permet que ces opérations soient tout entières extériorisées et que, prises en charge par les adultes, elles réalisent en un temps record le dépassement de la problématique cruciale de l’adolescence qu’on peut résumer en trois points: passer du statut d’enfant asexué à celui d’homme ou de femme, spécifiquement sexué, acquérir une identité ferme fondée sur une délimitation nette du moi considéré comme l’instance capable de faire la distinction nette entre l’espace (psychique) du dedans et celui (mondain) du dehors, assimiler les règles qui président auxéchanges objectaux, sexuels et sociaux, dans la conscience aiguisée de leur fondamentale violence. La violence, comme on voit, est partout. Loin de la nier ou de l’occulter, comme nous croyons sain et sensé de le faire en matière d’éducation, le “primitif”, au moins dans le rituel, l’affirme et la pousse aux extrêmes avec comme finalité évidente, non del’expulser mais de l’intégrer.
Les apports de l’anthropologie n’infirment pas la thèse freudienne (1912 Totem et Tabou.) qui voit dans les rites d’initiation un double renforcement de la prohibition de l’inceste et du lien homosexuel au père, et donc aussi, par conséquent, du fait de l’actualisation symbolisante de la castration – circoncision, excision – , un véritable redoublement du refoulement originaire.
On arrive à cette conclusion saisissante :au lieu que dans les sociétés traditionnelles, l’adolescence se réduit à un passage scandé par des opérations ritualisées visant à consolider le refoulement primaire, dans notre culture, elle correspond exactement au phénomène inverse, c’est-à-dire au retour du refoulé, ce qui suffirait à expliquer que, même normale, l’adolescence se présente chez nous comme un véritable “miroir de la psychopathologie”. (Georges Amado.La crise d’adolescence,modèle pour la psychopathologie.Psychiatrie de l’enfant)
Les travaux que nous avons menés à l’aide du test de Szondi (Jean Mélon,Brigitte Herman et Martine Stassart.Le Szondi des “primitifs”.Szondiana,12,1,1992,pp. 64-69) sur des populations africaines et indiennes sud-américaines vont dans le sens de la confirmation de cette thèse de l’affermissement du refoulement primaire. Nous avons émis l’idée , à laquelle invitent les données szondiennes, que le résultat obtenu de la sorte équivaut à maintenir et consolider les acquis de la période de latence. Autrement dit, tout se passe comme si les sociétés traditionnelles voulaient à tout prix empêcher le retour de l’Oedipe et fixer l’individu au stade qu’il a atteint juste avant l’éveil pubertaire. Que là où ils sont encore pratiqués, les rites initiatiques se révèlent extraordinairement – pour nous – opérants et efficaces, ne fait aucun doute. Une question toutefois se pose avec insistance, celle du comment. Comment se fait-il que le mythe seul ne suffise pas à l’initiation, pourquoi faut-il impérativement que s’y ajoutent les rites?
3. Traumatisme et identification
A notre connaissance, personne n’a jamais donné une explication satisfaisante, du point de vue métapsychologique, au processus qui est à l’oeuvre dans les rites d’initiation et qui pourrait rendre compte de leur indiscutable efficacité et de la réalité effective des transformations identitaires profondes qu’ils accomplissent. Nous avons trouvé chez Tobie NATHAN un essai d’explication qui est probablement le plus convaincant qu’on ait invoqué jusqu’ici. L’auteur fait d’abord remarquer l’opposition apparemment irréductible entre le point de vue psychanalytique et celui de l’ethnologie anthropologique. Pour FREUD et toute la tradition psychanalytique, le noyau du psychisme, constitué dans la prime enfance avant le déclin du complexe d’Oedipe, reste aussi vivace que presqu’immuable, conditionnant rigoureusement les variations ultérieures de l’identité qui ne sauraient être que superficielles ou mineures. Pour l’anthropologie au contraire, il y a la constatation irréfutable du fait que sous l’effet de contraintes particulières, celles qu’imposent les rites de passage, la personnalité psychique du sujet se trouve profondément modifiée, et qui plus est, en un laps de temps singulièrement bref. Il reste que l’anthropologie est incapable d’expliquer le mécanisme de cette transformation sauf à invoquer la fameuse “efficacité symbolique”, ce qui n’est pas très satisfaisant, du moins pour qui se soucie de comprendre les ressorts psychodynamiques du processus. Ce qui confère à un sujet son identité, en tant qu’elle est tissée de continuité temporelle et estampillée d’unicité spatiale, c’est en définitive une espèce de mémoire. La théorie psychanalytique distingue trois types de mémoire, la mémoire au sens commun du terme dont elle ne se soucie pas et qu’elle abandonne à la psychologie cognitive, la mémoire qui s’exprime dans les formations symptomatiques et qui correspond au retour du refoulé – au sens où “l’hystérique souffre de réminiscences” – et la mémoire la plus inconsciente, la plus importante aussi aux yeux de l’analyste, celle qui s’actualise dans la relation transférentielle et qui s’exprime au travers de l’automatisme de répétition, le Wiederholungszwang que l’analyste espère toujours transformer en remémoration sans pouvoir, le plus souvent, dépasser le stade de la (re)construction qui, heureusement, suffit à limiter les dégâts de la répétition que FREUD assimilait à la pulsion de mort. Or la répétition est initialement liée au traumatisme. L’exemple bien connu de “l’enfant à la bobine” que FREUD invoque en exergue de “Au delà du principe deplaisir”, est des plus significatifs à cet égard. Le traumatisme consiste ici dans le départ et l’absence de la mère assimilés à sa perte. A travers le jeu du “Fort-Da“, l’enfant répète évidemment ce traumatisme mais il est tout aussi évident qu’il est absolument inconscient du contenu aussi bien que du sens du traumatisme et de la répétition. Autrement dit, la répétition s’oppose au souvenir, elle l’abolit même. Au lieu d’une éventuelle dépression nourrie par la douleur de la perte de l’objet maternel, on obtient un individu au sens fort du terme – in-divis – qui, par le biais d’un jeu répétitif qui consiste essentiellement à congédier l’objet, réalise une sorte d’identification hypomaniaque salutaire, laquelle, du fait même de la répétition, devient pour ainsi dire une seconde nature. Les expériences les plus traumatisantes sont celles qui, survenant par surprise, sont de l’ordre de l’impensable,de l’inimaginable. Elles appellent, comme solution, l’oubli total. Si le souvenir l’assaille, le sujet devient un mort-vivant, comme on peut le constater dans les névroses traumatiques chroniques. C’est ce qu’exprime remarquablement Jorge SEMPRUN dans son dernier livre. Le souvenir d’Auschwitz lui était tellement insupportable qu’il n’a pu survivre qu’au prix de l’oubli. C’est ce qui explique pourquoi les témoins des camps sont généralement muets quant à cette expérience. “Les nouvelles générations ne comprennent pas cette pudeur. Personne n’est sorti indemne de cette expérience-là. Personne. Parce qu’on a été, sinon victime, au moins témoin de l’inhumain. Et cette découverte absolue que l’inhumain n’est pas l’abandon de l’homme par Dieu, mais, beaucoup plus profondément, l’abandon de l’être humain par lui-même. Voilà d’où vient une partie du mutisme”. Il n’est pas exagéré d’assimiler cette “horreur” à celle qui saisit le petit enfant lorsqu’il réalise l’inimaginable: maman a disparu. L’opération de surreaction maniaque, originairement traumatique, a dû être efficace puisque, comme le souligne FREUD dans une note en bas de page: “L’enfant a perdu sa mère alors qu’il était âgé de 5 ans et 9 mois. Cette fois, la mère étant réellement partie au loin (o-o-o), l’enfant ne manifestait pas le moindre chagrin. ” L’hypothèse proposée par Tobie NATHAN nous paraît convaincante: si les rites sont efficaces, c’est parce que, plongeant le sujet dans l’effroi, ils créent artificiellement une névrose traumatique, plus précisément une “névrose d’effroi” (Schreckneurose) dont l’issue espérée est, conjointement avec l’abolition de la mémoire de l’enfance, la production d’un être complètement nouveau, sommé d’introjecter, “en quatrième vitesse”, une série de figures identificatoires entièrement inédites.
NATHAN rappelle que FREUD avait déjà noté que l’effroi provoquait non seulement la répétition de l’expérience traumatique mais aussi le mimétisme. Ainsi trouve-t-on dans un de ses premiers articles l’idée que les tics convulsifs se constitueraient en symptôme chronique à partir de l’imitation d’une mimique aperçue dans un moment de terreur. L’hypothèse n’est pas originale car on la trouve mentionnée chez de nombreux psychopathologues du XIXe siècle, notamment Gilles de la Tourette qui a donné son nom à la maladie des tics ou chorée infantile. Les identifications précipitées à la faveur des rituels initiatiques procéderaient par introjection mimétique, cette opération psychique étant rendue possible par l’état particulier, fort mal connu il faut bien le dire, à quoi correspond la “névrose d’effroi”. On peut faire le parallèle avec les scènes ou les objets fétichistes qui, dans les organisations perverses, commémorent le moment “horrifique” de la découverte de la différence des sexes. Un exemple particulièrement suggestif à cet égard est celui du “Petit Homme-Coq” de FERENCZI, que NATHAN réinterprète de façon magistrale :
“Nous voilà en possession de plusieurs notions psychanalytiques, liées entre elles et qui nous seront utiles dans la confrontation avec les faits anthropologiques: traumatisme, mémoire, répétition, frayeur, mimétisme. Ferenczi qui, contrairement à Freud, n’a jamais abandonné l’approfondissement de la notion de traumatisme, enrichit notre moisson psychanalytique. Dans son texte sur “le petit homme-coq” (1913), il nous suggère plusieurs hypothèses. Il s’agit de l’analyse du cas d’un petit garçon de cinq ans qui, après avoir été mordu à la verge par un coq se mit, un an plus tard, à pousser des cocoricos et à caqueter. A un certain moment, il avait totalement perdu l’usage du langage humain. Par la suite, il souhaitait ardemment assister à l’égorgement des poulets mais en même temps il éprouvait une peur très intense à l’égard de ces volatiles. Lorsqu’on lui demandait la raison de sa peur, il racontait invariablement la même histoire: “Un jour il est allé dans le poulailler et il a uriné à l’intérieur; c’est alors qu’un poulet ou un chapon à plumage jaune (parfois il dit brun) est venu lui mordre le pénis, et Ilona, la femme de chambre, a pansé sa blessure. On a ensuite tranché le cou du coq qui a crevé”. Suite à cet événement, Arpad a développé une curiosité véritable à l’égard des poulets qu’il ne cessait d’observer. Dans ce cas, nous voyons à nouveau réunies les notions précédentes de traumatisme, de mémoire (fixation et répétition) et de mimétisme. Mais nous savons que Freud s’est basé sur ce cas pour établir ses deux notions, empruntées à l’anthropologie de son temps, de totem et de tabou. En effet, on peut dire que le jeune Arpad s’est choisi le coq pour totem, qu’il l’idolâtre et le hait tout à la fois, l’imite en tout mais souhaite l’égorger et le dévorer. Enfin il compare les femmes et les filles qui lui plaisent à des poules et Ferenczi conclut son texte sur cette note savoureuse: “En conclusion, nous rapporterons une dernière déclaration d’Arpad, montrant que ce n’est pas en vain qu’il a observé si longtemps le comportement des gallinacés. Il dit un jour à la voisine avec le plus grand sérieux:”Je vous épouserai, vous et votre soeur et mes trois cousines et la cuisinière, non plutôt maman au lieu de la cuisinière”. Il veut donc vraiment devenir un”coq de village”. Ainsi dans le cas d’Arpad, le traumatisme est-il situé à l’origine d’une nouvelle filiation imaginaire évoquant les systèmes totémiques et inscrivant Arpad dans une lignée de poulets. Le traumatisme a donc agi psychiquement sur Arpad en le métamorphosant en poulet et en datant sa nouvelle naissance du jour de la morsure. Le traumatisme (tel que celui d’Arpad) aurait donc le pouvoir, non seulement de modifier la mémoire (gommer les événements qui l’ont précédé, réorganiser les souvenirs à partir de nouveaux repères, bref, établir une nouvelle chronologie) mais aussi de définir une nouvelle filiation avec ancêtres imaginaires et rituels (Totem et Tabou). Quoi qu’à aucun moment Freud ni Ferenczi n’analysent le rapport de causalité entre le traumatisme et la modification de l’identité du petit Arpad, cette idée d’un choc associant douleur, frayeur et réaction mimétique à l’origine d’une modification de la filiation imaginaire, semble très proche de leur pensée”.
Nous avons cité longuement ce texte parce qu’il rapporte un exemple édifiant. Si nous revenons aux rituels initiatiques et si nous accordons tout son poids à leur dimension d’affect majeur qui est sans conteste l’effroi, nous pouvons penser avec NATHAN qu’ils correspondent à l’organisation délibérée d’un traumatisme psychique sévère et que c’est de cette manière qu’ils réalisent efficacement les transformations qu’en attendent les sociétés traditionnelles, c’est-à-dire:
°une métamorphose complète de l’individu;
°une production de l’identique: l’initié doit devenir “mimétiquement” exactement le même que son aîné initiateur pour pouvoir plus tard faire de même avec les plus jeunes; ainsi s’explique partiellement l’anévolutivité des sociétés archaïques;
°une modification de la mémoire: les expériences du passé doivent être effacées, la nostalgie est proscrite, la vie commence à partir du moment zéro de l’initiation, l’existence antérieure compte pour rien, le vide creusé par l’amnésie de l’histoire personnelle est comblé par les mythologies et les légendes ancestrales;
°une amnésie complète des expériences vécues durant l’accomplissement du rituel, comparable à l’amnésie post-choc communément rencontrée dans les névroses d’effroi. S’en souviendrait-on, c’est de toute manière un sujet tabou que personne n’oserait évoquer;
°un comportement stéréotypé n’offrant que peu de marge aux fantaisies qui dans notre civilisation correspondent à la culture obsessive du “narcissisme de la petite différence”.
Enfin il n’est pas inutile de souligner que les rituels psychothérapeutiques, beaucoup mieux connus que les rituels initiatiques, sont assez exactement calqués sur ces derniers dont ils répètent les étapes, car la maladie est toujours considérée comme la conséquence d’un ratage de l’initiation. Cependant, à la différence de l’initiateur, le psychothérapeute (chaman, guérisseur, sorcier, marabout, “medecine-man”) ne fait jamais usage de la terreur. Ses qualités maternelles priment largement sur sa fonction paternelle.
4. Oedipe adolescent.
FREUD a dit par avance pourquoi Oedipe est le mythe fondateur de l’inconscient: “Chaque auditeur fut un jour en germe, en imagination, un Oedipe, et s’épouvante devant la réalisation de son rêvetransposé dans la réalité, il frémit suivant toute la mesure du refoulement qui sépare son état infantile de son état actuel”(Lettre à Fliess du 15 octobre 1897). Il est intéressant de noter , en fonction de ce qui vient d’être dit à propos de l’effroi, que le verbe employé par FREUD, la première fois qu’il fait allusion à Oedipe, est “zurückschaudern“: reculer d’effroi. C’est dire si dans son esprit, l’affect ravivé est bien celui de l’effroi qui, en allemand est le plus souvent rendu par “Schreck“, d’où dérive la “Shreckneurose“, appellation la plus courante de la névrose traumatique. Toute l’élaboration théorique convergera par la suite et jusqu’à l’Abrégé de 1938, vers l’affirmation répétée du primat de l’angoisse de castration qui est l’angoisse des angoisses, celle qui met un terme en principe définitif à l’Oedipe et qui sonne le glas des espérances enfantines. (Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet.Oedipe et ses mythes.Paris,Editions Complexe,1988)
Mais FREUD ne s’est jamais sérieusement penché sur l’interprétation du mythe d’Oedipe. Il s’est toujours beaucoup intéressé à la mythologie et il a donné des interprétations pénétrantes de quelques mythes grecs, notamment en ce qui concerne Prométhée et la Tête de Méduse. Mais en ce qui concerne Oedipe, il n’en a jamais fait l’analyse. On pourrait dire qu’il ne l’a pas interprété parce qu’il s’y reconnaissait trop bien, qu’il s’est immédiatement identifié à Oedipe, qu’il s’est projeté en lui comme le parricide incestueux inconscient qu’il s’était découvert à travers ses rêves, et qu’il y a projeté du même coup toute l’humanité – car c’est un postulat jamais remis en cause:dans tout homme il y a tout l’homme – dans la mesure où le parricide et l’inceste constituent l’abomination suprême dont l’interdit et le refoulement sont au principe de toutes les civilisations, sans exception. Les hellénistes (Oedipe.L’écrit du temps,n°12,Paris,Minuit,1986) ne se sont pas privés de critiquer FREUD et les psychanalystes pour le peu de cas qu’ils font de la signification contextuelle de la légende d’Oedipe et plus particulièrement de la tragédie de Sophocle. Nombreux sont les travaux qui depuis une trentaine d’années ont visé à analyser les multiples facettes, surtout socio-historiques, du mythe oedipien. Il s’en dégage une vison anthropologique que résume remarquablement l’ouvrage récent de Jean-Joseph GOUX (Oedipe philosophe.Paris,Aubier,1990.)
Mais avant d’exposer la thèse de GOUX, il faut dire quelques mots de l’ouvrage de Marie DELCOURT (Oedipe ou la légende du conquérant.Liège,Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres,1944.) qui, en cette matière, a fait oeuvre de pionnière. Son livre constitue un point de départ et la référence obligée pour qui s’intéresse à l’interprétation du mythed’Oedipe. Marie Delcourt a le mérite d’exposer d’entrée de jeu et de la manière la plus claire sa thèse fondamentale: “La légende d’Oedipe est arrivée jusqu’à nous dans des poèmes tardifs, puisque toutes les épopées du cycle thébain sont perdues. C’est pourtant une de celles où les éléments mythiques, étant le plus aisément discernables, sont aussi le plus intelligibles. Six épisodes y sont articulés l’un à l’autre, de façon à composer une biographie. Ils ont tous les six la même valeur:ils signifient grandeur, conquête, domination, prise du pouvoir. Chacun d’eux se retrouve dans d’autres légendes, mais aucune autre légende ne les présente tous réunis. S’ils ont fini par être synonymes, ils ont des origines très différentes, c’est-à-dire que, groupés, ils transposent sur le plan fabuleux, un ensemble particulièrement riche de rites qui, venus d’époques, de croyances, de contextes très divers, se rattachent tous à l’idée de royauté. L’histoire d’Oedipe est certainement le plus complet de tous les mythes politiques. Interrogée avec quelque patience, elle peut nous renseigner sur la préhistoire du pouvoir souverain chez les Grecs. Et cela n’est point sans intérêt puisque la Grèce a perdu jusqu’au nom indo-européen du roi. Les légendes seules nous permettent de remonter dans le passé lointain où des groupes humains se choisissaient un chef et acceptaient son autorité. “On voit que ce qui est mis en exergue est la question de l’investiture royale, et des rites qui ont présidé à l’intronisation.
Limitant volontairement son enquête au champ des légendes grecques, Marie Delcourt isole un petit nombre de thèmes – l’enfant exposé, la victoire sur la Sphynx, la résolution de l’énigme, le mariage avec la princesse, l’union avec la mère – , les repère dans tous les mythes grecs connus, en donne les interprétations les plus plausibles et tentede dégager la signification particulière qu’acquièrent ces thèmes fondamentaux dans le mythe oedipien qui , mieuxqu’aucun autre, les condense de manière exemplaire.Tous les thèmes qu’elle étudie lui apparaissent comme les vestiges des anciens rites initiatiques qui ont dû présider à l’intronisation des rois. Son hypothèse de base générale est que le mythe se construit au moment où les rites qui l’ ont précédé risquent de perdre leur sens et donc aussi leur efficacité. Le mythe sauve le sens ou le restaure ou bien encore crée du nouveau sens. Nous verrons plus loin que cette thèse est reprise et amplifiée dans l’ouvrage de GOUX. En marge, Marie Delcourt note quelques faits qui sont capitaux pour notre discussion.D’abord le fait que les rites d’intronisation royale et les rites d’initiation pubertaire ne nous sont connus de manière directe et relativement compréhensible qu’à travers les mythes indiens pour l’intronisation et les mythes africains pour l’initiation.
Ensuite, le fait, sur lequel Freud avait déjà insisté – mais Marie Delcourt ne semble pas s’être aperçue qu’il l’avait précédée sur ce point – que ce qui différencie le plus radicalement les cultures archaïques des cultures modernes, c’est que dans les premières il y a des tabous conscients qui portent électivement sur le parricide etl’inceste – et leurs équivalents symboliques – tandis que dans les secondes, il n’y a plus de tabous mais des interdits intériorisés qui produisent leurs effets sans que le sujet en soit conscient, et d’autant mieux qu’il est moins conscient. Sur ce point, Marie Delcourt partage, sans le savoir, l’opinion de Freud. Enfin elle montre bien que le mythe d’Oedipe est révélateur d’un conflit aigu, corrélatif de l’antinomie archaïque-moderne, entre un modèle de légalité collectiviste de type clanique et un modèle individualiste qui privilégie le noyau familial, le foyer, l'”oikos” contre le “génos“. Marie Delcourt critique sévèrement Freud sur un point très précis:la relation quasi obligée qu’il établit entre le parricide et l’inceste. C’est là-dessus que se clôt son ouvrage: “Qu’il existe une rivalité entre père et fils, personne ne songe à le nier. Cette rivalité, je pense, a sa source dans la volonté de puissance beaucoup plus que dans la libido proprement dite”. A cet égard, la position de Marie Delcourt est exactement la même que celle d’Alfred Adler, dont Freud se sépara en 1911, justement parce qu’Adler voulait voir dans la volonté de puissance et les conflits de pouvoir la source unique de tous les malheurs humains, gommant ainsi l’importance du sexuel. Le refus de lier l’inceste au parricide conduit Marie Delcourt à nier totalement l’existence du désir incestueux dont elle retient seulement la signification métaphorique. L’ ” union avec la mère” n’exprime alors plus rien d’autre que le désir, soit de posséder la terre en la conquérant, tel César qui franchit le Rubicon en même temps qu’il faisait un rêve incestueux, soit au contraire, de retourner à la terre, c’est-à-dire de mourir.
Dans son “Oedipe philosophe”, Jean Joseph Goux adopte la méthode comparatiste pratiquée par Marie Delcourt. Comme elle, il s’impose de rester dans les limites de la mythologie grecque, comme elle, il reconnaît dans la légende d’Oedipe les thèmes majeurs d’un mythe d’investiture royale, comme elle, il repère l’analogie entre les rites d’intronisation et les rites d’initiation pubertaire qui sont des rites de passage entre l’enfance et l’âge adulte, d’entrée dans le monde des êtres humains différenciés, homme et femme, chacun avec leurs rôles et fonctions rigoureusement délimités. Mais, et c’est là l’innovation qui va retenir notre attention, le mythe d’Oedipe est posé comme absolument “aberrant” par contraste avec les autres mythes d’investiture royale dont trois exemples classiques sont invoqués:Persée, Belléphoron et Jason. Il est facile de repérer les trois épreuves initiatiques imposées à celui qui est désigné pour succéder au roi en place. Aux trois étapes successives correspondent trois figures du roi- père; dans l’ordre: le persécuteur, le mandateur et le donateur. La première épreuve probatoire fait apparaître le roi-père comme un persécuteur. Monarque soucieux de se donner un successeur digne de lui, il l’ “expose”, le place dans une situation de danger extrême. C’est le sens des rites d’exposition ; si le dauphin , abandonné à la nature sauvage, survit contre toute attente, c’est qu’il est soit exceptionnellement robuste, soit protégé par la faveur des dieux. La deuxième épreuve correspond à l’entrée en scène d’un roi mandateur qui convoque le survivant et lui ordonne de se confronter, activement cette fois, avec une situation de danger encore plus extrême. Dans tous les cas il s’agit d’affronter en combat singulier un monstre réputé invincible, mi-homme, mi-femme, mi-bête, de le tuer et d’en ramener la dépouille. Enfin, en récompense de sa réussite, le postulant reçoit du roi donateur la main d’une princesse qui est souventla fille du roi en place dont il devient le digne successeur. Or il est flagrant que dans le mythe oedipien, ne subsiste que la figure du roi persécuteur. Et si on adopte le point de vue du père persécuteur, il est évident qu’Oedipe a raté la première marche puisqu’il est censé être mort.De notre point de vue, il n’a pas subi la première épreuve puisqu’au lieu d’être exposé, il a été sauvé par un berger et adopté par Polybe et Meurope, rois de Corinthe. Mais voilà qu’Oedipe revient sur les lieux de sa naissance et que, sans être mandaté par personne, de lui-même et quasiment par hasard, il est amené à passer la deuxième épreuve. Sa victoire sur la Sphynge se limite à une joute intellectuelle d’une brièveté singulière si on la compare aux mille péripéties qui, dans les autres mythes d’investiture, accompagnent le combat acharné contre le monstre et constituent le noeud du drame. La victoire d’Oedipe n’est pas celle d’un guerrier courageux, c’est celle d’un homme présumé intelligent et de surcroît autodidacte. C’est un malin, son savoir est inné, il n’a reçu aucun enseignement initiatique. Deux anomalies dominent le mythe oedipien; d’une part, le roi-père en est absent en tant que mandateur et donateur, d’autre part, il n’y a pas de vrai combat avec le monstre femelle. En lieu et place de ces anomalies, que trouve-t-on? Le parricide et l’inceste.
Résumons:
- Le motif de l’épreuve imposée par un roi est absent; en ses lieu et place, on trouve le meurtre d’un roi qui est le père du héros.
- La confrontation risquée avec un monstre femelle présente les irrégularités suivantes:
- Pas d’assistance des dieux; ni Athéna ni Hermès ne sont présents pour aider le héros.
- Pas d’assistance des mortels; ni conseil d’un sage devin, ni aide d’une fiancée.
- Pas d’échelonnement des épreuves conduisant à la victoire décisive.
- Pas de mobilisation de la force physique mais profération d’un seul mot; d’où le corollaire dusuicide du monstre, remplaçant son meurtre proprement
- Mariage, non avec la fille d’un roi, mais avec sa propre mère(op. p. 24)
C’est ce qui autorise J.J. Goux à qualifier de “déréglé” le mythe d’Oedipe. Déréglé, Oedipe l’est en effet si on le compare aux souverains qui ont accédé au pouvoir au terme des épreuves imposées par la tradition. Oedipe n’est d’ailleurs pas un roi mais un tyran. Son accession au trône n’a pas été légitimée par la traversée des rituels initiatiques. Armé de sa seule raison, héraut du logos, c’est à ce titre que les Thébains le considèrent comme l’égal d’Apollon. Au regard de la tradition, c’est un sacrilège, le signe de son “ubris”, de son infatuation. La confrontation inaugurale avec Tirésias montre assez le peu de respect qu’il accorde à la fonction sacerdotale.
Comme Hegel (Esthétique.L’art symbolique,chap.1,vol.2.Paris,Flammarion Champs,1979,p. 76) l’a génialement souligné, l’entrée d’Oedipe sur la scène de l’histoire universelle marque le saut qui fait passer de l’âge archaïque, structuré par le “muthos“, à l’âge moderne où la raison s’émancipe dans l’assomption du “logos” dont Cicéron a dit qu’il était “Ratio, oratio et proportio“. Si Oedipe incarne le héros prototypique de la raison au sens moderne du terme, s’il est le précurseur des Lumières, le moment de la rencontre avec la Sphynx revêt une importance cruciale.
Que peut représenter la Sphynx? Citant Laistner (“Das Rätsel der Sphynx“, Berlin, 1889), Marie Delcourt avait relevé que les “démons écrasants” dont participe la Sphynx, imposaient à leurs victimes trois types d’épreuves: leurs caresses, leurs coups,leurs questions. Triompher du monstre femelle, qu’on n’a pas de peine à identifier avec la mère primitive, dévorante, phallique,séductrice, enchanteresse et mortifère, c’est, dans l’ordre:
- résister à sa séduction,
- mobiliser l’agression dans le sens de la destruction du maternel primaire, de le violer, sinon c’est le monstre qui viole et tue,
- acquérir un savoir capable de triompher de la déroute mentale que provoque le chant de la “muse ailée”.
L’analogie est frappante avec les rites de passage tels qu’ils nous sont connus à partir du modèle africain. Dans la mythologie grecque, c’est Dionysos qui incarne cette métamorphose. La castration symbolique n’est pas une invention de Jacques Lacan; les cultures archaïques l’ont toujours pratiquée. Comme l’ont bien montré les Ortigues dans “Oedipe africain”, les cultures africaines font en sorte que l’Oedipe tel que nous le connaissons – comme complexe nucléaire de l’inconscient – ne puisse pas se constituer.D’une part l’interdit de l’inceste est ouvertement proclamé, assorti d’une série de prohibitions très précises. Dès lors, braver l’interdit, ça n’a rien d’héroïque, c’est se comporter en ignorant et c’est risquer le pire: la rechute dans l’infantile. D’autre part, le conflit générationnel est escamoté. La révolte contre le père ne doit pas avoir lieu. Il n’y a pas à tuer le père puisqu’il est déjà mort. Les seuls pères dignes de ce nom sont les ancêtres, que les pratiques rituelles ont mission de relier au monde des vivants, dont ils font partie intégrante.
Deux choses ne manquent jamais de choquer les Africains: le culte que nous vouons aux petits enfants et le manque de respect que nous affichons à l’égard de nos aînés.Quoi de plus significatif quant à la différence des mentalités! Revenons à Oedipe. S’il est bien ce héros de la raison et de l’autonomie, s’il est le premier individu à se revendiquer d’un Je qui s’identifie à ce qu’il pense et dit en son nom propre, il faut bien voir, et c’est la thèse de JJ Goux, que le saut ainsi accompli, dans l’élision de toute initiation, équivaut effectivement à rejeter la tradition et le sacré qu’elle préservait, à tuer le(s) père(s) et à (ré)ouvrir les chemins régressifs qui (ra)mènent à la mère des origines.Nous retrouvons la thèse freudienne. La névrose est la maladie de notre culture et ce qu’on trouve au fond de l’une et l’autre, comme leur envers ténébreux, c’est le “complexe nucléaire” des névroses.On comprend pourquoi la disparition définitive des rites de passage consacre le saut de la culture traditionnelle,patri- ou matriarcale, à une société moderne (certains diront post-moderne), filiarcale, et pourquoi aussi le prix à payer est la névrose, ou la psychose ou encore le cas-limite, tous témoins du “malaise dans la civilisation“.
Désormais, l’autorité a cessé d’être une instance extérieure: “Un grand changement intervient dès le moment où l’autorité est intériorisée, en vertu de l’instance du Surmoi. Alors les phénomènes de conscience (morale) se trouvent élevés à un autre niveau, et l’on ne devrait parler de conscience et de sentiment de culpabilité qu’une fois ce changement opéré” (Op. cit. , p. 82). En cela, Oedipe est le premier grand coupable. C’est bien pour cela qu’il se crève les yeux. “La castration se retrouve jusque dans la légende d’Oedipe. Le héros en effet se crève les yeux pour se punir de son crime, acte qui, comme le prouvent les rêves, constitue un substitut symbolique de la castration“. Eût-il été initié, sans doute Oedipe n’en serait-il jamais arrivé à cette extrémité. On sait bien que dans les sociétés primitives, ni le suicide ni l’automutilation n’existent. Le sujet est en quelque sorte vacciné contre l’autopunition. Mais ces temps sont à jamais révolus.
“Jamais plus l’homme moderne ne franchira le seuil en une épreuve décisive qui tranche d’une façon sanglante les enroulements du serpent-mère sous l’injonction d’une autorité mandatrice et avec l’aide des dieux et des sages. Son destin sera la liminalité prolongée; dans un procès auto-initiatique inachevable, ouvert, indécidable. La subjectivité de la modernité, filiarcale, est celle de la liminalité devenue un processus sans terme, et non plus un passage. C’est toute l’existence qui est un seuil critique. L’inachèvement, l’ouverture du trajet héroïque, ébranle, dépasse la stabilité patriarcale”. La transition s’est produite insensiblement mais elle est assez facile à dater. Elle se prépare tout au long du siècle des Lumières et s’accomplit au-delà de 1789. Ce n’est pas un hasard si, comme nous l’avons souligné au début de ce chapitre, l’enfant puis l’adolescent prennent dès lors tellement d’importance.
L’explication se résume en ceci: Oedipe est de retour. “Un lien étroit noue Oedipe et Histoire. Idéalement, dans une société “sans Histoire”, fondée principalement sur la transmission répétitive d’une tradition intacte, de génération en génération, une figure comme celle d’Oedipe ne saurait prendre une signification essentielle. Elle n’est qu’une aberration. Mais dès lors que la sapience des ancêtres cesse de pouvoir régler infailliblement la pensée et l’action des vivants, tout individu, profanateur presque malgré lui de l’enseignement dévalorisé des grands morts, est condamné à l’audace et au désarroi oedipiens. Ainsi toute culture qui vit l’Histoire comme une seconde nature, toute société qui s’arrache à la répétition et connaît quelque chose comme une”progression”, un “développement”, une “innovation” permanente, est oedipienne; elle est déchirée au plus profond d’elle-même, dans son destin et son esprit, par le tragique d’Oedipe. En cela, pour nous, le mythe d’Oedipe n’est pas une fiction; il est le dispositif de significations dans lequel nous sommes effectivement pris en tant que sujet appartenant à une “sociétéouverte”, ou “détraditionnalisée”, ou “autotélestique”.
Si on admet qu’Oedipe est le prototype du héros filiarcal surgi dans la Grèce du Ve siècle comme figure tragiquedu miracle grec qui voit pour la première fois l’homme accéder véritablement à la conscience de soi, son retour, après une “période de latence” qui aura duré plus de deux mille ans, marque tout ensemble l’entrée dans l’ère démocratiqueavec son idéologie de progrès, ses idéaux d’individuation , d’autodétermination et d’autonomie, d’apprentissage et de formation indéfiniment continuée, de développement et d’Histoire – avec Hegel et Marx – mais aussi….. la névrose, rançon du progrès qu’aura réalisé le saut du moi collectif, forgé dans le creuset des rites de passage, au moipersonnel, produit de l’abstraction de la figure paternelle, du refoulement individuel et de l’intériorisationsilencieuse – sans doute est-ce cela qu’entend FREUD quand il dit que tout le bruit du monde vient d’Eros tandis quela pulsion de mort oeuvre en silence46 – des interdits fondamentaux.
“Dès lors que l’autoproduction détermine la constitution du sujet, Oedipe (à Thèbes et à Colone) est notre destin. La civilisation occidentale n’est pas patriarcale au sens où certaines sociétés l’ont été ou le sont encore. Elle est creusée par l’abstraction du père. Ce qui fait son anomalie, son originalité depuis le “miracle grec”, ce sont les poussées filiarcales qui la perturbent. L’affranchissement du fils par rapport aux pères, le mouvement d’arrachement de l’individu comme tel par rapport aux impératifs des ancêtres, telle est l’insistance qui la détermine comme Histoire. Patriarcat etMatriarcat ont en commun la domination de la Tradition, le respect du passé, l’imitation des ancêtres, la vérité fondée surl’autorité. La pensée du fils jaillit d’une brisure dans la reproduction symbolique, d’un désaveu de paternité”.
“Etre complètement autonome, c’est en langage mythique, prendre la place de son père. Le sujet démocratique, en tant que sujet mu constamment par la volonté d’autonomie, est donc confronté à cette difficulté… Le site de la psychanalyse est assigné par sa fonction dans un régime socio-symbolique démocratique:elle prend en charge l’ombre, la contrepartieinconsciente, symbolique, que la volonté d’autonomie du sujet démocratique ne peut manquer de créer en lui:son conflit oedipien. La structuration oedipienne du pathos et du savoir est ainsi le trait spécifique du monde post-traditionnel où la dramaturgie de la transmission a entièrement disparu comme pratique sociale instituée, et où le passage de la castration (l’arrachement, la coupure) reste libre, individuel, auto-opérant, et en un sens différé, permanent, indéfini. Le monde historique ne serait donc pas tant un monde où le processus d’initiation a disparu qu’un monde où personne n’en a jamais fini avec lui”.
5. Passage et/ou crise.
Si l’adolescence correspond essentiellement à la reviviscence du drame oedipien sur les versants complémentaires de la nostalgie du premier amour et de la révolte contre le parent rival, ceci suffit à la caractériser comme la crise majeure de l’existence humaine d’où devrait sortir l’adulte qualifié comme tel pour autant qu’il aura suffisamment bien accompli le deuil des objets parentaux d’une part, échappant à l’infantilisme sexuel, et qu’il aura par ailleurs rejoint l’identification primaire au père, gage d’une identité stable et garante de la faculté de sublimer. Force est de constater que ce conflit, critique au sens fort du terme, tend aujourd’hui à s’éterniser, peut-être parce que la téléologie inconsciente de notre culture est entièrement dominée par les idéaux prométhéens d’autonomie, d’individuation, d’indépendance, de dépassement et de progrès sans fin. Mais l’envers du progrès est la régression car “le développement du moi consiste à s’éloigner du narcissisme primaire, et engendre une aspiration intense à recouvrer ce narcissisme” Freud Le moi et le ça.
Tout se passe comme si les civilisations traditionnelles avaient compris le danger que recèle le procès évolutif et qu’elles avaient fait en sorte de court-circuiter le processus de l’adolescence pour empêcher qu’advienne l’espèce de mégalomanie à quoi correspond la “crise d’originalité juvénile” d’une part et l’intense mouvement régressif de la libido en direction des investissements libidinaux archaïques (prégénitaux) d’autre part, phénomènes observables au plus haut point dans la schizophrénie.”Comment ne pas croire que la violence du rite ne renvoie pas à la violence du risque“? Le risque est grand d’un double échec, génital pour le destin de la libido objectale si elle ne parvient pas à intégrer la violence inhérente à toute relation d’objet sexuel, avec la porte ouverte sur les régressions prégénitales névrotiques, perverses ou psychotiques, et identificatoire pour le destin de la libido narcissique si le courant homosexuel n’arrive pas à se sublimer en lien social et si la passion ne peut pas se transformer en création. On voit bien que c’est ce double échec que tentent de conjurer les rites de passage
“Quelle que soit la résistance que le caractère sera à même d’opposer plus tard aux influences des objets sexuels abandonnés,les effets des premières identifications effectuées aux phases les plus précoces de la vie,garderont toujours leur caractère général et durable.Ceci nous ramène à la naissance de l’Idéal du Moi, car derrière cet idéal se dissimule la première et la plus importante identification qui ait été effectuée par l’individu: celle avec le père de sa préhistoire personnelle. Cette identification ne semble pas être la suite ou l’aboutissement de la concentration sur un objet: elle est directe, immédiate, antérieure à toute concentration sur un objet quelconque…”
°en forçant la libido objectale à se génitaliser aussi complètement que possible par la radicalisation de la sexuation,
°en barrant les voies de la régression par la condamnation sans appel du maternel et de l’infantile assimilés au non-être,
°en renforçant les liens homosexuels sublimés par la sacralisation du rapport initiateur-initié,
°en empêchant l’autonomisation individualisante de capter la libido narcissique afin que l’idéal du moi reste confondu avec l’idéal groupal, le courant narcissique étant étroitement canalisé dans le sens de l’introjection des qualités prescrites par les pairs. “Danse-avec-les- loups” est fixé une fois pour toutes dans une identité métonymique qui le spécifie rigoureusement. Il n’y a pas lieu d’idéaliser les civilisations archaïques ni d’en cultiver la nostalgie. On ne reviendra pas en arrière. Les cultures traditionnelles sont condamnées à disparaître face à l’avancée irrésistible des idéologies du progrès. Les idéaux modernes d’autonomie et de progrès exigent précisément du sujet qu’il devienne auto-nome au sens fort du terme, c’est-à-dire qu’il produise ses propres règles d’existence en accord avec une Loi symbolique qui devient de plus en plus abstraite en même temps que la famille nucléaire en constitue la principale courroie de transmission, ce qui explique la surdramatisation actuelle de l’Oedipe comme le rappelle LACAN dans son introduction à l’articlede 1938 sur “La Famille”.
Une question se pose avec insistance, celle des conditions de résolution de l’inévitable crise d’adolescence; autrement dit, comment en sort-on?
On l’a assez répété, il n’existe plus dans notre culture d’équivalent des rites de passage sauf à considérer la scolarité sous cet angle. L’analogie est valable jusqu’à un certain point si on considère que l’entrée dans le cycle primaire coïncide avec le début de la période de latence, l’abord du secondaire avec la pubescence et le cycle supérieur avec la “période finale de l’adolescence” (BLOS), la “post- adolescence”, en tant que période de consolidation des acquis de la “phase finale”, ne pouvant guère advenir que lorsque le choix d’objet génital et l’insertion socio-professionnelle – “amour et travail” – auront été fermement et durablement réalisés. Or personne n’oserait plus nier que, conjointement avec le mouvement de détraditionalisation galopante, cette consolidation devient de plus en plus problématique, ce qui rend tout aussi aléatoire la phase de sortie de l’adolescence. Dans son étude devenue classique (Les adolescents.Etude psychanalytique.Paris,Stock,1967) , Peter BLOS se pose cette question cruciale: L’adolescence tardive est un tournant décisif; autrement dit, c’est un temps de crise. Dernière crise de l’adolescence qui, si souvent, sollicite à l’excès la capacité d’intégration dont l’individu dispose, et aboutit à des échecs d’adaptation, engendre des déformations du moi, des manoeuvres défensives, une psychose. Quand on en vient à la phase terminale de l’adolescence,les concepts de fixation, de mécanismes de défense, de synthèse du moi, de sublimation et d’adaptation, de bisexualité, de masculinité et de féminité – s’ils sont tous concernés aussi dans cette phase – ne sont en eux-mêmes ni suffisants ni adéquatspour faire comprendre le phénomène de consolidation de la personnalité en oeuvre dans l’adolescence tardive. L’observation analytique a isolé certains des obstacles qui peuvent s’opposer aux progrès de la consolidation, tels que fixations pulsionnelles, discontinuités dans le développement du moi, problèmes d’identification et bisexualité; malgré tout, les voiespar lesquelles se fait la consolidation de la personnalité restent en bien des points obscures. Les processus d’intégration sont moins parlants que les processus de désintégration. Dirons-nous que le refoulement est le principal agent qui travaille à introduire l’âge adulte, tout comme auparavant, à la fin de la phase oedipienne, c’était ce même mécanisme de défense qui avait introduit la période de latence? Manifestement, ce serait une explication trop simple; elle ne pourrait aucunementrendre compte de la grande variabilité selon les individus, des adaptations et arrangements qu’on peut observer vers la fin de l’adolescence. Ce qu’il nous faut trouver, c’est un principe opérationnel, un concept dynamique qui gouverne le processus de consolidation propre à l’adolescence tardive et l’englobe sous toutes ses formes:en premier lieu l’appareil psychique qui synthétise les divers processus spécifiques de la phase d’adolescence, qui les rend stables, irréversibles et les dote d’un potentiel adaptatif; en second lieu, la source des résidus spécifiques datant de périodes antérieures de développement qui ontsurvécu aux transformations de l’adolescence et qui continuent à exister sous une forme dérivée, apportant leur contribution à la formation du caractère; et, enfin, la source de l’énergie qui amène en premier plan certaines solutions et repousse les autres, donnant ainsi, pour chaque cas, au processus de consolidation son caractère et son impératif original pour chacun. Ces deux qualités, souvent liées au sacrifice et à la souffrance, ne peuvent provenir entièrement de la poussée maturationnelle;d’autres forces doivent combiner leurs efforts à l’intérieur de ce processus. C’est ici qu’il faut introduire le concept de traumatisme.
Nous retrouvons la notion capitale de traumatisme comme élément central et moteur majeur destransformations cruciales qui opèrent le passage à l’âge adulte en fixant le caractère définitif et original de l’individu, mettant ainsi fin, en principe, à la crise d’adolescence. Cette manière d’envisager le passage à l’âge adulte, en mettant l’accent sur le traumatisme et la répétition qui lui est inhérente, permet de faire le rapprochement avec les rituels de passage archaïques dont nous avons vu le caractèrehautement traumatique. Dans les deux cas il s’agit de “fixer” le sujet dans une modalité d’exister spécifique, traumatophilique, répétitive, “habitudinale” et limitative, à cette différence près que dans une culture moderne, le processus delimitation ne saurait procéder que d’une auto-limitation. BLOS cite bien à propos un des rares passages de l’oeuvre de FREUD où le traumatisme et l’automatisme de répétition sont envisagés dans une perspective positive allant dans le sens de la pulsion de vie plutôt que de la pulsion de mort, en contradiction avec la thèse centrale de “Au delà du principe de plaisir”: Les traumatismes ont deux sortes d’effets, des effets positifs et des effets négatifs. Les premiers constituent des tentatives pour remettre le traumatisme en valeur – (notons que c’était le cas du jeu de la bobine) – , c’est-à-dire pour ranimer le souvenir de l’incident oublié ou plus exactement pour le rendre réel, le faire revivre. S’il s’agissait d’un sentiment affectif précoce, ce tendre sentiment renaît de façon analogue en s’adressant cette fois à une autre personne. On donne à l’ensemble de ces efforts le nom de “fixation au traumatisme” ou encore d’ “automatismes de répétition”. Ils peuvent être intégrés dans un moi soi-disant normal et conférer à celui-ci, en tant que tendances permanentes, leur caractère d’immuabilité bien que, ou plutôt du fait que leur fondement réel, leur origine historique aient été oubliés…. Envisager ainsi le problème de la névrose nous permet d’aborder celui du caractère en général. Les réactions négatives tendent vers un but diamétralement opposé. Les traumatismes oubliés n’accèdent plus au souvenir et rien ne se trouve répété; nous les groupons sous le nom de “réactions de défense” qui se traduisent par des “évitements”, lesquels peuvent se muer en “inhibitions” et en “phobies”. Ces réactions négatives contribuent considérablement, elles aussi, à la formation du caractère. De même que les réactions positives, elles sont somme toute aussi des fixations au traumatisme tout en obéissant à une tendance inverse….”
Si la sortie de l’adolescence peut être assimilée à la résolution définitive du drame oedipien, il faut bien avouer, comme invite à le penser toute l’expérience analytique, que la résolution du complexe d’Oedipe, même quand elle apparaît définitive, n’est jamais que partielle. Ce sont précisément les résidus traumatiques les plus pregnants de la petite enfance qui, ravivés mais non surmontés pendant l’adolescence, font l’objet, dans sa phase terminale, et dans les meilleurs cas, d’un véritable retournement homéopathique, par la grâce d’une surrection sthénique visant à maîtriser de manière indéfinie,”immuable”, l’excitation constamment produite au départ du ou des traumatismes idiosyncrasiques du sujet.
“…les effets après-coup d’un traumatisme suscitent des situations qui reproduisent par quelque côté la situation originelle, de sorte qu’on verra se perpétuer le travail sur le traumatisme, et l’effort pour le maîtriser. Les expériences qui sont vécues dans ce contexte se font sur le mode de la compulsion de répétition. Ce qui à l’origine avait été éprouvé comme une menace émanant de l’environnement devient le modèle du danger interne. Pour acquérir ce statut de modèle, le danger originel a dû être remplacé par toute une série de représentations symboliques et d’équivalents substitutifs…. A la fin de l’adolescence, la menace initiale, ou plutôt un composant de cette menace, est retourné vers l’extérieur, réactivé sur l’environnement ; c’est alors à l’intérieur d’un système d’interréactions hautement spécifique que l’individu s’emploie à vaincre ou à neutraliser lamenace; de là le sentiment que son comportement est voulu, justifié, nécessaire et satisfaisant… Toute la vie s’imposera la tâche psychique de combattre une influence nocive venue du monde extérieur, précipitée dans le traumatisme et qui faitdésormais partie du monde intérieur. Les traumatismes résiduels fournissent la force, à travers l’automatisme de répétition, qui pousse les expériences non intégrées à entrer dans la vie mentale où elles pourront être maîtrisées ou intégrées dans le moi. La direction que prend ce processus – selon qu’il insiste davantage sur la décharge pulsionnelle, lasublimation, la défense, la déformation du moi etc. – est dans une large mesure contrôlée par le Surmoi et les influences de l’idéal du moi. La forme qu’il prend est influencée par l’environnement, par les institutions sociales, la tradition, les moeurs et les systèmes de valeur… Nous en venons donc à la conclusion que les conflits infantiles ne disparaissent pas avec la terminaison de l’adolescence mais qu’ils sont rendus spécifiques, qu’ils deviennentconformes au moi, c’est-à-dire intégrés dans le champ du moi sous forme de tâches vitales. Ils se placent au centre des représentations de soi qu’a l’adulte. Toute tentative pour maîtriser conformément au moi un traumatisme résiduel, souventvécu comme conflit, renforce l’estime de soi. ” Inversement, peut-on ajouter, tout échec en ce domaine ne peut être vécu que comme une blessure narcissiqueque viendront colmater les prothèses psychotiques, perverses ou psychopathiques.
Pour résumer brièvement, on pourrait dire que dans ce moment décisif, le sujet est confronté à la tâche la plus difficile, celle qui consiste à se trouver un équilibre économiquement stable au sein des couples d’opposés complémentaires sujet-objet, actif- passif et plaisir-déplaisir. Or en s’orientant dans le sens d’une traumatophilie salvatrice, l’individu opte pour le sujet ( l’être ) contre l’objet (l’avoir), pour l’activité et l’autonomie contre la passivité et la dépendance, pour le déplaisir contre le plaisir enfin, c’est-à-dire qu’il se situe “au-delà du principe de plaisir”, dans le champ d’une réalité à mi-chemin du donné etdu créé, que WINNICOTT a appelé le champ transitionnel, lieu de la culture et du sociétal.
Le gain qu’il en obtient est un affermissement du narcissisme social, un investissement de la réalité extérieure assez souvent corrélatif d’un désintérêt pour la réalité psychique- fantasmatique et une atténuation du sentiment global de frustration, modératrice des exigences libidinales à l’égard des objets d’amour.
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Martine STASSART. Docteur en Psychologie. Faculté de Psychologie, Université de Liège, Sart- Tilman B 33, 4000 Liège, Belgique.